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AIDANT(E)S : OÙ SONT LES HOMMES ?

75% des aidants sont des aidantes et assument souvent seules un mari ou un parent dépendant.


 

Derrière cette question qui peut être irritante se cache une réalité : les femmes, dans la plupart des cas et notamment au sein des familles, s’occupent le plus souvent de leur conjoint ou de leurs aînées, de leur mère ou de leur père. Représentation sociale ou caricature entretenue, le fait est que les femmes se dévouent – par compassion, par choix ou souvent par défaut – beaucoup plus souvent que leurs maris, leurs frères ou leurs cousins à la tâche d’accompagnant(e) familial(e). Or le vieillissement nous concerne tous, femmes et hommes, tout comme la prise en charge des aînés. Les hommes s’occupent quelques fois du domaine administratif ou coordonnent la mise en relation des spécialistes ou des structures ; dans la réalité, ce sont surtout les femmes qui sont présentes, qui appellent, qui prennent soin, qui parlent, qui écoutent, qui soignent parfois avec le temps, les ressources et les moyens dont elles disposent, généralement pas assez conséquents. Elles peuvent au début y trouver de la joie, de la fierté, de l’estime, un salut ou une reconnaissance ; fréquemment, de là découlent un sentiment de solitude, de fatigue, d’épuisement et de détresse psychologique ou émotionnelle.


Un regard sur des réalités et des solutions.


La place des hommes chez les aidants


UNE RECONNAISSANCE (RÉELLE MAIS POUSSIVE) DU RÔLE D’AIDANT(E)


Depuis plusieurs années, certaines aides existent, qu’elles soient d’ordre public ou privé (APA, PCH, formations, compensations, congés, services à la personne, etc.). En parallèle, 8 aidant(e)s sur 10 se disent éprouver des difficultés au niveau professionnel, personnel, familial et social. Et plus le temps va passer, plus le nombre d’aidant(e)s va augmenter avec le vieillissement de la population au fil des prochaines années. Manque de reconnaissance étatique, collective, individuelle, familiale ? Baisse d’utilité du principe d’aide lui-même ? Perte de sens du soutien moral, physique, psychologique, émotionnel ou matériel ? Les conditions de « travail » des aidant(e)s se sont améliorées mais à quelle vitesse et pour quels bénéfices. Dialogue social, congé du proche aidant, droit au répit ou aménagement du temps de travail par exemple existent. Le CLIC, le MDPH ou le CCAS sont des interlocuteurs nécessaires et précieux. Dans les faits, de nombreux aidant(e)s ne connaissent pas toutes les aides et de nombreux aidant(e)s n’y recourent pas : ressources, moyens et temps sont régulièrement mis en avant. Culturellement, il est parfois inconcevable de faire appel à des aides dès lors qu’il s’agit d’une mère ou d’un père. Or les femmes aidantes ne sont pas surhumaines et les hommes ont leur part de responsabilité vis-à-vis des aînés au sein d’une famille. Le souhait, la mission, la volonté ou la tâche de s’occuper de ses aînés n’incombe pas seulement aux femmes de la famille. Bien sûr, il arrive parfois qu’un homme, enfant unique ou non, s’active pour le bien vieillir de ses parents. Malgré tout, au sein d’une fratrie, il arrive encore (trop) souvent que les femmes prennent en main l’accompagnement de la personne aînée, d’une simple perte d’autonomie jusqu’à la fin de vie. Or, il s’agit là de plusieurs années voire plusieurs dizaines années d’une implication souvent éprouvante.



UNE ESPÉRANCE DE VIE QUI N’EXPLIQUE PAS TOUT


Les femmes vivent plus longtemps que les hommes certes. Mais quelles sont les conditions liées au vieillissement de chacune ? Il ne s’agit pas là de détailler les états du corps, les douleurs physiques ou les souffrances physiologiques de tout le monde. En revanche, l’état d’esprit, le bien-être mental ou les sensations de chacune des femmes comptent tout autant pour expliquer, en partie, leur implication dans l’aide apportée à leurs proches et, notamment, à leurs maris. Parler des femmes de plus de 75 ans ou 80 ans quant à leur dévouement marital est une chose, évoquer le soutien constant et puissant des femmes de 50 ans, 55 ans, 60 ans ou 65 ans à leurs maris qui vieillissent voire même à leurs propres parents qui ont 80 ans, 85 ans ou 90 ans est encore autre chose. Ce n’est pas seulement une question d’espérance de vie : elles-mêmes vieillissent plus longtemps, elles-mêmes doivent faire face plus souvent à la solitude, elles-mêmes ont eu dans le passé encore plus de difficultés à se fabriquer une certaine indépendance. La sphère domestique n’est pas seulement ou ne doit pas être uniquement une question de femmes. Or plus des deux tiers des aidants familiaux sont des aidantes.


Plus généralement, il y a encore quelques appréhensions culturelles sur la question des aides naturelles provenant de la famille. Dans certains pays plus latins (Espagne, Portugal, Italie, etc.), les enfants habitent encore tout près des parents ou grands-parents seuls qui, parfois, vivent même au sein du foyer familial et/ou reconstitué. Le principe d’aide à domicile est également différemment étendu dans des cultures ouvertes à l’accompagnement familial, ne s’agissant pas d’une aide d’une heure ou de deux heures, mais de l’implication extérieure d’une personne à temps plein ou partiel au sein même de l’habitat de la personne âgée et ce, quel que soit le niveau social. Enfin, l’accompagnement des personnes du troisième ou quatrième âge est plus large qu’une aide matérielle. Parler, prendre soin, écouter, échanger, discuter ou briser les solitudes au quotidien sont des actes de présence et de soutien fort vis-à-vis d’une personne aînée qui comprend et apprécie.



UNE CHARGE ÉMOTIONNELLE CERTAINE


Les épisodes dépressifs ou la dépression elle-même touche de nombreux aidant(e)s. Aider sa mère ou son père à vieillir n’est pas rien. La plupart du temps, il est question d’un accompagnement sur plusieurs années d’une mère ou d’un père qui commence à se sentir moins fort(e). Entre la défiance auprès des institutions ou des structures existantes, le poids moral d’une filiation difficile ou des conflits familiaux pesants, il arrive régulièrement qu’une sorte de « statu-quo » soit déclaré : une personne âgée de plus en plus dépendante, un cercle d’aidants de moins en moins solidaire. De là découle régulièrement des échanges quelques fois houleux au sein même d’une famille : reproches, nervosités, épuisements, jalousies et autres critiques se font ressentir ou entendre. Alors même que l’intérêt est le bien-être de la personne qui vieillit : ce n’est pas de sa faute si elle vieillit, ce n’est pas de sa faute si elle est de plus en plus fragile, ce n’est pas de sa faute si elle est de moins en moins autonome, ce n’est pas de sa faute si elle a (elle aussi) besoin de parler, d’être écoutée, de ressentir qu’elle existe, de savoir qu’elle compte, de se savoir aimée.


Les femmes sont en première ligne : vives, courageuses, solidaires, tenaces, responsables ou aimantes. Les femmes ne sont pas les seul(e)s aidant(e)s, les hommes aident aussi, il n’y a pas une seule règle. Mais force est de constater que l’aide provient très souvent des femmes et comme exemple, dans une famille composée de garçons et de filles, la ou les filles viendront plus facilement en aide aux parents âgés. Les femmes travaillent et il n’est pas toujours évident de s’organiser en tant qu’aidante avec un travail prenant, stressant, à responsabilité. C’est possible mais c’est d’autant plus pesant. En plus de la vie de couple, de la vie de famille et d’une vie sociale remplie. L’emploi du temps peut vite devenir infernal. La charge émotionnelle peut être grande, d’autant qu’il n’est pas évident d’en parler, même si c’est la solution la plus viable. Il n’y a pas de honte ou de gêne à s’appuyer sur sa famille, sur ses enfants ou sur des professionnels (coachs, psychologues, psychothérapeutes, professionnels de santé, etc.). Stress, angoisses, anxiété ou nervosités peuvent apparaître. Il est important d’en prendre conscience et de prendre des mesures visant à vous apaiser, à vous calmer, à vous rassurer. S’organiser, cadrer, prioriser, respirer, faire des pauses, parler, être écoutée, penser à soi sont autant de clés pour commencer à se sortir d’un cercle potentiellement néfaste.



L’IMPORTANCE D’ÊTRE ACCOMPAGNÉ(E) POUR NE PAS SOMBRER


Communiquer, parler, être écoutée, mettre des mots sur des maux et se confronter font partie des étapes importantes pour se décharger d’un poids immatériel et invisible qui pèse sur les épaules de l’aidant(e). Par fierté, par orgueil ou amour propre, de nombreuses personnes sont tentées de ne rien dire, de faire face, avec les moyens du bord. Imposer au partenaire ou aux enfants une obligation d’aide, de soutien ou de présence peut même devenir paradoxalement tabou ou gênant, alors même que la personne âgée fait partie de la famille, qu’elle est une mère, un père, un grand-parent pour chacun des membres de la fratrie. Tout le monde est concerné, femmes et hommes, filles et garçons, tous seront les seniors de demain. Vos enfants et petits-enfants aimeront un jour, à leur tour, être considéré(e), être entouré(e), être aimé(e).


Vous ne pouvez pas garder tout en vous. Vous pouvez être heureux(se), fier(e) et vous estimer en pleine possession de vos moyens. Le fait est, qu’à moment donné, votre physique ne va pas forcément suivre, que vos nerfs vont commencer à lâcher, que vos émotions vont commencer à sortir. C’est bien et positif, tant que vous avez une soupape pour évacuer votre trop-plein ou votre souffrance, même minimes. Parlez-en à votre partenaire, parlez-en à vos frères et sœurs, parlez-en à vos enfants, parlez-en à votre médecin, parlez-en à des associations, parlez-en à un spécialiste, parlez-en à un coach psycho-émotionnel. Femmes ou hommes. Osez parler. Pensez à vous.


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